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26 septembre 2023 - Actualités

Cahier des charges emballages : peut mieux faire !

Le projet de cahier des charges de la filière des emballages ménagers et des papiers graphiques a reçu la validation du comité national d’évaluation des normes (CNEN) le 7 septembre dernier. Il doit désormais être soumis à la consultation du public. Dans cette première mouture, le ministère maintient le cap des orientations présentées à la réunion du 20 juillet. Malgré une augmentation des moyens financiers, la feuille de route ne permettra pas d’atteindre les objectifs. AMORCE appelle à intégrer le projet politique porté par la plateforme des collectivités pour passer à la vitesse supérieure et se donner les chances d'atteindre les objectifs nationaux et européens de prévention et de recyclage.

En matière d’objectifs, le ministère a fait le choix de reconduire la plupart des objectifs de prévention, de réemploi et de recyclage (adaptés avec la nouvelle méthode de calcul). Et pour cause. Aucun d’entre eux ou presque ne sera atteint en 2023. Au contraire, entre 2010 et 2021, la production d’emballages a progressé de 13% (+12% pour l'ensemble des plastiques et +28% pour les emballages en plastiques autres que les bouteilles et flacons) quand les objectifs visent une baisse de la consommation d'emballages de -15% entre 2010 et 2030. D'ici cette échéance, l'effort est colossal : 1,2 millions de tonnes d’emballages ménagers doivent disparaitre des espaces de vente. Du point de vue du recyclage, en dehors du verre et de l’acier, aucun matériau n’atteint le taux fixé par l’Europe et en particulier le plastique. Côté réemploi, tout reste à construire. Enfin, la filière ne couvre que 70% des coûts optimisés supportés par les collectivités selon l'éco-organisme (pour un objectif de 80%) et moins de 50% des coûts réels selon AMORCE.

 

La marche à franchir pour atteindre les objectifs nationaux et européens est donc encore très importante. Elle nécessite le déploiement de tous les leviers de performance (cf. étude ADEME) et les moyens financiers idoines (voir notre article du 27 juillet). De ce point de vue, l’étude d’impact du cahier des charges affiche un besoin de financement par les éco-organismes des mesures prévues par le texte de l’ordre de 1,8 milliards d’euros. L’ADEME affiche le même montant mais pour la seule revalorisation des soutiens aux collectivités et le déploiement des leviers de performance de collecte.

 

La revalorisation des coûts et le développement du réemploi, les grands gagnants ?

 

La revalorisation de l'enveloppe s'explique d'abord par la mise à jour des coûts supportés par les collectivités : le fait de s'aligner sur l'inflation des charges, sans en changer le périmètre, aboutit déjà à une enveloppe de 1,2 milliards d'euros de soutiens (barème G).

 

AMORCE rappelle que l’actualisation des coûts ne prend toujours pas en compte certains postes de dépense (TGAP, TVA, coûts de gestion des emballages dans les OMR). AMORCE rappelle encore que l’objectif de prise en charge de la filière des emballages devrait être reconduit à 80% pour les emballages ménagers et 50% pour les papiers graphiques (projet de décret en lien avec la loi du 25 avril 2023 sur la fusion des REP), ce qui n'est pas le cas. 

 

Si le futur barème G prévoit une revalorisation des soutiens à la tonne triée, aux ambassadeurs du tri et à la communication, l’impact du changement de la méthode de calcul du soutien à la performance (basé sur la performance par matériau et non plus la performance globale) n’a pas été étudié. La disparition à terme des soutiens sur la valorisation énergétique des refus et des emballages contenus dans les OMR ainsi que la suppression du soutien de transition pourraient constituer un manque à gagner de près de 77 millions d’euros pour les collectivités. Enfin, la question de l’alignement des mécanismes de soutiens de la filière des papiers graphiques sur celle des emballages n’a pas encore été tranchée et laisse peser le risque d'une année blanche de soutiens.

 

Le réemploi semble par contre tirer son épingle du jeu. Si la part des éco-contributions consacrées au financement des actions du réemploi reste à 5% (inchangé par rapport à 2023), elle se voit accompagnée d’une série de mesures pour financer des charges supportées par les acteurs du réemploi (logistique, lavage mais aussi une possibilité de pourvoi) et des actions de communication (réemploi, vrac, gammes standards d'emballages réemployables). L’objectif est de faire émerger une chaine de valeur du réemploi des emballages harmonisée au niveau national. Une étude sur les actions à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de réemploi a été demandée aux éco-organismes. Les mesures doivent être avant tout accompagnées d’une stratégie nationale pour coller aux objectifs et les rendre contraignants pour chacun des secteurs. Cette accompagnement doit concerner également les moyens de reporting et un système de certification des emballages réemployés en substitution des emballages à usage unique. 

 

Des moyens supplémentaires pour les DROM COM mais peu d’adaptations

 

Du côté des collectivités ultra marines, ces dernières se voient assigner les mêmes objectifs que la métropole. Elles bénéficieront encore du système de majoration des soutiens unitaires à la tonne triée ainsi que d’un soutien au rattrapage de performance, moyennant une révision à la hausse des coefficients et des barèmes. Les actions en direction des DROM COM seront refondues dans un plan de gestion des déchets d’emballages qui remplacera les contrats d’action territoriaux et les plans d’amélioration de la performance de l'ancien agrément. Une enveloppe exceptionnelle de soutien à l’investissement sera toute de même maintenue en 2024. Un budget de 30 millions d’euros sur trois ans viendra également accompagner l’adaptation des centres de tri dans ces territoires, à l’instar de ce qui a été fait en métropole ces dix dernières années, pour passer à l'extension des consignes de tri.

 

Grands leviers, petits moyens

 

Contre toute attente, le parent pauvre du cahier des charges reste le développement des leviers de performance de collecte. Sur les 646 millions d’euros supplémentaires nécessaires au financement des douze leviers de performance de collecte identifiés par l’ADEME, AMORCE estime que le cahier des charges réserve une enveloppe de 134 millions d’euros. Sur ce montant, seuls les soutiens à la généralisation de la collecte hors foyer auprès des collectivités (38 M€ en 2024) et le barème à la prise en charge des coûts de nettoiement sont prévus. Par ailleurs, le projet de texte exige de l’éco-organisme un plan d’action en direction des établissements recevant du public et les entreprises pour le déploiement du tri ainsi qu’une possibilité de pourvoi à la collecte de l’éco-organisme pour les déchets collectés hors foyer et hors périmètre public. Des bases importantes sont posées mais pour AMORCE, l’implication des entreprises et des autres acteurs de la consommation hors foyer ne se fera que si un soutien est versé aux entreprises avec un contrôle des obligations de tri à la source.

 

En revanche, les mesures d’accompagnement des collectivités, qui couvrent une partie des leviers de performance de collecte (amélioration de la collecte, densification, aide à la mise en place de la tarification incitative etc), ne bénéficient pas d’une enveloppe dédiée puisqu’elles seraient financées par le reliquat des soutiens non consommés. De ce point de vue, la plateforme des collectivités fait des préconisations en matière de dotation de matériel de pré-collecte (points d'apports volontaires, porte à porte, points de regroupements, équipements hors foyer etc), de fréquence (passage en C1 pour la CS, adaptation des fréquences OMR), de sensibilisation et de sanctions sur l’obligation de tri (rehausse du forfait des ambassadeurs du tri, inscription de l'obligation de tri dans les règlements de collecte) et de communication. Ces actions sont à intégrer dans les soutiens et les appels à projet, avec un suivi au niveau national.

 

Par ailleurs, AMORCE demande l’affectation d’une enveloppe dédiée et majorée pour le déploiement des leviers de performance, en lien avec les études ADEME. Le reliquat de soutiens non consommés doit servir à des projets complémentaires. Il serait enfin nécessaire d’établir des critères d’analyse de l’efficacité des projets afin d’estimer si des moyens supplémentaires sont nécessaires. 

 

Les autres postes de dépenses

 

Les autres postes de dépenses sont principalement dédiés aux actions de communication (sur le geste de tri, le réemploi, le vrac et la mise à disposition d’emballages réemployables), à la recherche et développement et à l’éco-conception, au pourvoi sur la gestion des refus, etc. 

 

Passer d'un projet de cahier des charges à un projet national partagé par toutes les parties prenantes : le tri partout, pour tous et tout le temps

 

AMORCE relève les efforts consentis dans ce projet de cahier des charges mais ils sont insuffisants. AMORCE plaide pour le renforcement des ambitions avec la prise en compte des propositions portées par la plateforme des collectivités dans le plan alternatif à la « fausse » consigne. Les actions de ce plan alternatif doivent être intégrées dans ce cahier des charges et financées. C’est la condition pour que la France atteigne les objectifs qu'elle s'est elle même fixée et ceux fixés au niveau européen.  

 

Contact : André LEGER