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12 mars 2024 - Actualités

La Cour des comptes dresse le bilan de l’adaptation au changement climatique dans les politiques publiques

La Cour des comptes a consacré son rapport annuel à « l’action publique en faveur de l’adaptation changement climatique ». Alors que la préparation du plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) bat son plein, la Cour des comptes assume une position forte et somme tous les acteurs publics à adapter leurs politiques publiques et orienter leurs financements vers des solutions adaptées au changement climatique. Parmi les très nombreux points de ce rapport, voici ce qu’il faut retenir pour les collectivités territoriales.

Chaque année, la Cour des comptes réalise plusieurs enquêtes afin de consacrer son rapport à une thématique précise, en plus du bilan des finances publiques de l’année écoulée. Cette année, la Cour a consacré son rapport au sujet spécifique de l’adaptation au changement climatique et de l’impact sur l’action publique. 

 

La Cour des comptes a ciblé plusieurs grandes catégories de politiques publiques fragilisées et non adaptées au changement climatique : logement, installations nucléaires, réseau ferré, gestion forestière et côtière et le système de santé. Ces politiques publiques, comme d’autres, vont devoir s’adapter aux nouveaux impacts du changement climatique (canicules, inondations, érosion des côtes, sécheresse…). La Cour des comptes rappelle que les investissements nécessaires à l’évolution de ces politiques publiques restent bien inférieurs aux coûts engendrés en cas d’inaction (la Cour précise par exemple que les cinq années de 2016 à 2020 ont été parmi les plus coûteuses au niveau assurantiel).

 

Il convient également de rappeler la distinction entre « atténuation » et « adaptation ». Ces deux axes ne s’opposent pas mais doivent, bien au contraire, se compléter. La Cour souligne l’importance de concilier ces deux axes dans l’ensemble des politiques publiques. 

 

L’inadéquation de la politique du logement et de la rénovation avec le changement climatique

 

Le rapport cible trois risques principaux : les pics de chaleur, les inondations et l’évolution des sols due à la sécheresse. La Cour distingue les problématiques liées aux logements existants (qui font l’objet des points ci-dessous) et de l’implantation de nouveaux logements (relevant de politiques publiques d’aménagement et d’urbanisme). 

 

En ce qui concerne la rénovation des logements existants, la Cour cible le dispositif « MaPrimeRénov’ », qui ne doit pas uniquement servir à améliorer l’efficacité énergétique des logements, mais devrait également prévoir l’adaptation des logements aux pics de chaleur. La Cour constate que le dispositif a surtout servi à financer des remplacements de mode de chauffage, permettant des économies d’énergie et des baisses d’émissions de GES, mais pas d’adaptation des logements. A l'inverse, les rénovations globales, qui permettent d’adapter les logements, représentent seulement 3% des surfaces rénovées, selon le rapport. Alors que le gouvernement et l’ANAH ont déclaré vouloir prendre en compte les travaux de confort d’été dans le dispositif « MaPrimeRénov’ », le rapport souligne l’importance que doit avoir le service public de l’habitat France Rénov’ dans une telle évolution. Le dispositif « MaPrimeAdapt’ » annoncé pour 2024 ne prendra pas en compte le confort d’été, contrairement à « MaPrimeRénov’ ».

 

Le rapport pointe également la multiplication des pics de chaleur et de leurs impacts physiologiques, individuels et sociaux. La Cour rappelle que le recours massif à des systèmes de climatisation représente un fort risque de « mal-adaptation » : augmentation des dépenses et consommations énergétiques, accroissement des effets d’îlots de chaleur urbains. Les rénovations globales doivent donc être une priorité dans les politiques publiques de rénovation. 

 

La Cour fait un bilan financier de ces politiques et pointe comme insuffisant notamment le fait que l’État n'intervienne financièrement que dans une logique d’indemnisation (catastrophes naturelles), même si une partie du « fonds Barnier » est réorienté vers des travaux de réparation durable. 

 

Enfin, la Cour tire le constat que le coût prospectif de l’adaptation des logements n’est aujourd’hui pas évaluable, ainsi que la répartition de ces coûts entre les différents acteurs, notamment État et collectivités, même s’il demeure forcément inférieur au coût de l’inaction. Les mesures peuvent ainsi être nombreuses et avec des coûts variés (de la sensibilisation à la transformation radicale du parc). Au regard de tous ces points, on ne peut que regretter les annonces gouvernementales sur la baisse des fonds prévus pour « MaPrimeRénov’ » et plus globalement pour l'accélération de la transition écologique des territoires

 

L’aménagement urbain, clé de voûte de l’action des collectivités

 

Parallèlement, l’aménagement des territoires et des villes doit prendre en compte ces aspects à la fois de risque (inondation, incendie, érosion…) et de confort d’été (qui ont un impact sanitaire important). La Cour souligne ainsi l’importance de massifier la végétalisation des zones urbaines, de limiter les sources d’émission de chaleur (climatisation par exemple) de proposer des solutions de désartificialisation, de désimperméabilisation ou de construire des bâtiments adaptés aux conditions climatiques à venir. A ce titre le rôle des collectivités est central, dans l’aménagement de solutions urbanistiques adaptées mais aussi de solutions alternatives comme la création de réseaux de froid, rejoignant ainsi les propositions d'AMORCE et du Club de la chaleur renouvelable.

 

Par ailleurs, la Cour recommande une rationalisation des documents de planification relatifs à l’adaptation au changement climatique ainsi qu’une meilleure articulation entre les communes et les intercommunalités en charge de cette planification. La Cour préconise également de mettre en œuvre une planification financière et le suivi des dépenses d’adaptation au changement climatique. Cette planification devrait, selon nous, intervenir en complément d'une véritable planification des moyens financiers pour le financement de la transition écologique.

 

La fragilité des installations nucléaires et des réseaux d’électricité

 

Les installations de productions d’électricité, nucléaire ou hydroélectrique, sont par définition des installations qui ont une durée de vie longue. La prise en compte des évolutions climatiques est donc nécessaire, notamment au regard des annonces gouvernementales sur le déploiement du parc nucléaire. 

 

Le fonctionnement des infrastructures nucléaires et hydroélectriques nécessite d’importantes quantités d’eau, qui pourraient être menacées dans les années futures. Si EDF réalise des scénarios prospectifs pour ces différentes installations, la Cour rappelle l’importance de fiabiliser les mesures de prélèvement et de consommation d’eau des centrales. La Cour rappelle également que plusieurs centrales ont dû cesser leur activité à l’été 2022 faute d’un débit suffisant. Si l’impact des sécheresses est pour l’instant minime sur la production d’électricité, la Cour alerte sur l’accroissement des périodes de sécheresse affectant la production électrique, couplé à des scénarios d’augmentation de la consommation électrique, notamment en période estivale. 

La Cour rejoint ainsi les propositions d'AMORCE portant sur :

  • une meilleure mesure des prélèvements en eau et d'encouragement à la sobriété de tous les usagers (notamment par la fiscalité et la tarification) ;
  • un déploiement foisonné et réparti sur le territoire de capacités de production d'énergie renouvelable et de récupération y compris thermiques ;
  • une action prioritaire à mener sur la sobriété énergétique et la maitrise de la demande en énergie sur le long terme.

                                     

Par ailleurs, les réseaux de transports et de distribution d’électricité sont particulièrement sensibles aux variations climatiques. Ainsi, l’accroissement de phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes (canicule, incendie, vent, tempête, inondation, érosion…) expose nettement les réseaux de transports et de distribution. La Cour prône ainsi l’enterrement des réseaux, certes coûteux mais efficace, et la mise en œuvre de solutions innovantes sur certaines infrastructures.

 

L’impact du changement climatique sur la ressource en bois

 

Les forêts sont de plus en plus soumises à des aléas climatiques (incendie, tempête…) mais aussi à l’évolution des températures (qui va plus vite que la migration forestière). Alors que la France compte sur sa filière bois, la Cour pointe la prise très récente de mesures d’adaptation pour les forêts. Les diverses aides de l’État sont ainsi peu orientées vers ce type de mesures, qui rencontrent encore de nombreuses difficultés (indisponibilité des plants, sécheresses empêchant le remplacement d’espèces…). Le manque de mesures d’adaptation et de sécurisation de la ressource en bois paraît donc peu compatible avec les objectifs de France 2030 visant à exploiter massivement la ressource en bois. La Cour recommande enfin de créer des structures intercommunales de gestion forestière en y associant les forêts privées ou encore d’intégrer les enjeux d’adaptation dans les documents de gestion forestière.

 

Le partage de la ressource en eau 

 

Ayant fait l’objet d’un rapport thématique en juillet dernier, « La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique », la Cour des comptes ne s’étend pas sur ce sujet. Outre ce que l’on a cité précédemment, la question de la ressource en eau n’est en effet évoquée que sous le prisme des stations de montagnes et de l’agriculture. 

 

Concernant les stations de montagnes, la Cour des comptes estime toutefois utile de renforcer le cadre normatif afin de permettre aux préfets de tenir compte des évolutions climatiques et perspectives de raréfaction de la ressource pour l’attribution des autorisations de prélèvements.

 

Sur le sujet de l’agriculture, la Cour évoque la multiplication des conflits d’usage au regard de la tension de la ressource, et la nécessité, en cas de cultures et rendements agricoles identiques, de mieux structurer la gouvernance autour des périmètres de sous-bassins versants, ainsi que de soutenir les recherches en hydrologie. 

 

La Cour pointe aussi l’utilité de développer davantage des projets de réutilisation des eaux usées traitées. 

 

AMORCE salue cet appel à orienter massivement les politiques publiques, locales et nationales, vers des mesures d’adaptation au changement climatique, en complément de mesures d’atténuation et d'accélération de la transition écologique. Les travaux d’AMORCE s’inscrivent dans cette dynamique (généralisation des mesures de sobriété dans les domaines de l'eau, de l'énergie et des déchets, rénovation globale du bâti, développement massif de réseaux de chaleur et de froid…) et visent à accompagner les collectivités dans cette transition.

 

Contact : Pôles Institutionnel, Juridique et Fiscal