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10 octobre 2023 - Actualités

ZAN et transition écologique : décryptage des dernières avancées juridiques

Le ZAN c’est -50% d’artificialisation des sols d’ici 2030 et une absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 : si ces objectifs sont précisément définis, la complexité de mise en œuvre du ZAN sur le territoire était décriée à bien des égards. En ce sens, la loi du 20 juillet dernier vise à faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN et renforcer l’accompagnement des élus locaux. En parallèle, plusieurs décrets en consultation viennent également préciser le cadre de mise en œuvre des objectifs ZAN. AMORCE décrypte pour vous ces dernières avancées législatives et réglementaires.

Faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN et accompagner les élus locaux

 

Le 14 décembre 2022, une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de "zéro artificialisation nette" au cœur des territoires a été déposée au Parlement. Elle vise un meilleur partage de l’effort de réduction de l’artificialisation entre l’État et les territoires et pose des conditions de mise œuvre que les auteurs du texte estiment plus adaptées et nécessaires pour permettre aux communes, en particulier rurales, de conduire des projets essentiels à leur développement. L’examen du texte s’est terminé le 6 juillet par une commission mixte paritaire conclusive. Le texte a été promulgué le 20 juillet et publié au journal officiel du 21 juillet 2023. En voici les points importants :

 

  • L’institution d’une Conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols.

Elle sera consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur nationale ou européenne ; consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur régionale ; compétente pour adopter une proposition relative à l’établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l’artificialisation des sols ; compétente pour la réalisation d’un bilan de mise en œuvre des objectifs.

 

  • L’exclusion du décompte de l'artificialisation des "projets d’envergure nationale ou européenne".

Peuvent notamment être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne, « les projets industriels d’intérêt majeur pour la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologiques favorables au développement durable », « la réalisation d’un réacteur électronucléaire ».

 

La comptabilisation des projets d’envergure nationale ou européenne s’effectue au niveau national et n’est pas pris en compte au titre des objectifs fixés par les documents de planification régionale et les documents d’urbanisme. Cette consommation est comptabilisée dans le cadre d’un forfait nationale fixé à hauteur de 12 500 hectares pour l’ensemble du pays. À noter qu’en cas de dépassement de ce forfait, le surcoût de consommation foncière ne peut être imputé sur l’enveloppe des collectivités territoriales.

 

Les aménagements, les équipements et les logements directement liés à la réalisation d’un projet d’envergure nationale ou européenne qui présente un intérêt général majeur peuvent être considérés, en raison de leur importance, comme des projets d’envergure régionale, ou des projets d’intérêt intercommunal auxquels cas l’artificialisation des sols ou la consommation d’ENAF (espaces naturels, agricoles ou forestiers) qu’ils engendrent est prise en compte selon les modalités propres à ces projets.

 

Une modification de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme prévoit que pour des projets d’envergure régionale la consommation d’ENAF ou l’artificialisation des sols peut ne pas être pris en compte pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs ZAN, dès lors que cette consommation ou cette artificialisation est mutualisée dans le cadre des objectifs prévus par les documents d’urbanisme et de planification.

 

AMORCE avait porté la position suivante auprès des parlementaires : préciser la définition des projets d’intérêt régionaux qui pourront être mutualisés dans le cadre de leur prise en compte au titre du ZAN et notamment en y incluant ceux qui peuvent contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux et locaux en matière de transition écologique. En effet, cette transition impliquera nécessairement la création d’équipements publics qu’il convient, selon nous, de prendre en compte afin de ne pas opposer ces deux objectifs.

 

  • Création d’une commission régionale de conciliation en cas de désaccord sur la liste des grands projets d’envergure nationale.

 

Un projet de décret soumis à consultation publique vient préciser la composition et le fonctionnement de la commission régionale de conciliation. Elle comprend trois représentants pour la région et trois pour l’État (incluant le préfet et le directeur régional chargé de l’environnement et de l’aménagement) et sera présidée par un juge administratif. C’est à titre consultatif que des représentants du bloc communal pourront y participer dès lors qu’un projet les concerne. D’autres acteurs peuvent également être associés si compétents sur le projet. Dans le mois suivant sa saisine, elle devra formuler une proposition, notifiée au ministre. Si le ministre ne suit pas cet avis, sa décision devra être motivée et transmise aux membres de la commission.

 

  • Concernant les règles d’urbanisme : la loi vient créer un sursis à statuer, un droit de préemption et également un motif de refus d'autorisation d'urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l'artificialisation des sols. Elle rallonge également des délais pour intégrer les objectifs ZAN au sein des documents de planification et d’urbanisme et institue la possibilité d’identifier des secteurs prioritaires à mobiliser pour l’atteinte du ZAN dans le PLU.

 

La mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols

 

Le projet de décret « relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols » avait déjà été soumis à la consultation du public entre le 13 juin et 4 juillet. Il s’agissait alors d’ajuster et compléter le décret contesté n° 2022-762 du 29 avril 2022 pour mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et d’autre part du bloc communal via les documents d’urbanisme. La nouvelle version soumise à consultation publique (du 25/07 au 15/08) ajuste les modalités relatives au contenu du SRADDET en tenant compte des évolutions de la loi du 20 juillet 2023.

 

Il prévoit plusieurs dispositions :

  • Renforcement des critères à considérer dans le rapport d’objectifs du SRADDET, "en faisant, à l’instar de la loi, mention explicitement à la prise en compte des efforts passés, et en indiquant qu’il convient de tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montagne et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte".

 

  • Précisions concernant la prise en compte des efforts passés déjà réalisés, pendant la première tranche de dix ans : les efforts sont pris en compte à partir des données observées sur les dix ans précédant la promulgation de la loi Climat et résilience ou sur une période de vingt ans lorsque les données sont disponibles.

 

  • Suppression de l’obligation de fixer une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale dans les règles générales du SRADDET et instauration de la possibilité pour la région de définir des règles différenciées afin d'assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire régional qu’elle a identifiées, en tenant compte du périmètre d'un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale (SCoT) existants, de façon à ne pas méconnaître les compétences des échelons infrarégionaux. À noter que cette déclinaison territoriale doit garantir la surface minimale de consommation communale d’ENAF d’un hectare défini par la loi du 20 juillet 2023.

 

  • Insertion de la faculté de mutualisation de la consommation ou l’artificialisation emportée par certains projets d’envergure régional qui font l’objet d’une liste dans le fascicule des règles du SRADDET. En ce sens, le SRADDET pourra déterminer une liste de projets d’envergure régionale pour lesquels la consommation d’espaces induite est prise en compte dans le plafond déterminé au niveau régional : la liste est transmise pour avis aux SCoT, aux EPCI compétents et aux communes ainsi qu’aux départements concernés par les projets.

 

  • Une part d’artificialisation des sols pourra être réservée au niveau régional pour les projets de construction ou d’extension de constructions ou installations nécessaires aux exploitations agricoles. Chaque région pourra réserver une enveloppe destinée à ces projets.

 

Le décret nomenclature réécrit était récemment soumis à consultation publique et vise à clarifier la nomenclature, qui ne s'appliquera uniquement à l'issue de la première tranche de dix ans de la trajectoire et intègre également le décret prévu relatif au rapport local de suivi de l'artificialisation des sols. 

 

Enfin, concernant la dérogation prévue par la loi Climat et résilience pour les installations PV au sol, le décret et l'arrêté sont toujours attendus à la rentrée. 

 

A noter que le Conseil d’État a statué le 4 octobre dernier sur la légalité des décrets « SRADDET » et « Nomenclature » dans leurs versions initiales d’avril 2022.

 

L’Association des Maires de France (AMF) avait formé un recours contre ces deux décrets. Concernant le décret SRADDET, l’AMF contestait la nécessité que le ZAN soit décliné dans le SRADDET s’imposant ensuite aux documents d’urbanisme (SCoT, PLU). Dans sa première décision, le Conseil d’État rejette ce recours estimant que la fixation des objectifs ZAN à l’échelle régionale, déclinée à l’échelle locale au sein des documents d’urbanisme dans le cadre de la relation de « compatibilité » entre ces documents prévues dans le code de l’urbanisme est bien conforme à la loi Climat et Résilience.

 

Concernant le décret nomenclature, le Conseil d’État a, en revanche, annulé une disposition plus technique relative au mode de calcul de l’artificialisation des sols et à l’échelle à prendre en compte pour identifier les zones artificialisées. La simple référence à des « polygones » sans précisions apportées concernant leur détermination ne satisfait pas aux obligations de la loi qui imposait l’établissement d’une échelle d’appréciation de l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme.

Comme indiqué et décrypté plus haut, deux nouveaux projets de décrets « SRADDET » et « Nomenclature » ont été soumis à consultation publique durant les mois de juillet août, afin d’ajuster les décrets publiés en 2022 pour tenter de répondre aux contestations des territoires, notamment ruraux, en lien avec l’annonce de Christophe BECHU lors du Salon des maires 2022. Ces nouveaux textes prenant également en compte la récente loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN.

 

Le gouvernement attendant notamment les décisions du Conseil d’État pour adapter et publier ces deux décrets, les nouveaux textes ne devraient plus tarder... 

 

Projets industriels et ZAN : participations des élus locaux, dérogations prévues ?

 

Le projet de loi Industrie verte comporte également des dispositions et des dérogations concernant le ZAN. Après adoption, avec modifications, du texte en première lecture par l’Assemblée nationale le 21 juillet, une commission mixte paritaire a été convoquée le 24 juillet 2023. Députés et sénateurs se réuniront en CMP en octobre. 
 

En l’état des débats, les députés sont revenus sur plusieurs points :

  • Concernant l’exclusion des projets industriels du ZAN. Le texte prévoyait que l’artificialisation des sols ou la consommation d’ENAF résultant de l’implantation d’une installation industrielle concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale ne serait pas comptabilisée dans l’atteinte des objectifs ZAN. Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale supprime cette dérogation.
  • Si une mise en comptabilité « forcée » des documents de planification énergétique et d’urbanisme pour les projets de constructions, aménagements, installations et travaux liés aux projets industriels d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique qui seront identifiés par décret est prévu dans le texte issu de l’examen par le Sénat. Le texte adopté par l’Assemblée nationale réaffirme la nécessité de concertation avec les élus locaux et prévoit que la procédure de mise en compatibilité ne pourra être engagée qu’après accord du maire de la commune et, lorsqu’un plan local d’urbanisme intercommunal est applicable sur le territoire de celle‑ci, du président de l’établissement public de coopération intercommunale.

 

AMORCE se réjouit de la participation des élus locaux lors de la procédure d’installation des projets industriels d’intérêt national majeur. Néanmoins, elle reste vigilante quant à la priorisation qui pourrait aboutir, concernant le ZAN, pour les projets étatiques par rapport aux projets locaux en raison de nouvelles dérogations introduites par le gouvernement dans divers textes et, d’une manière générale, la réduction du pouvoir des collectivités et la recentralisation que ces modifications législatives pourraient induire, en particulier en matière de planification de l’aménagement du territoire et de la transition écologique. 
 

N'hésitez à nous faire vos remonter vos remarques concernant ces éléments.

 

Par ailleurs, AMORCE organise, lors de son Congrès annuel organisé à Toulon les 18, 19 et 20 octobre prochain, un forum consacré au ZAN et à la transition écologique. 

Pour plus d’informations relatives à notre Congrès, au programme et aux modalités d’inscription, vous pouvez suivre le lien suivant

 

Contact : Anna FIEGEL – afiegel@amorce.asso.fr