09 novembre 2023 - Actualités
Le scénario PPE des territoires est-il compatible avec les objectifs de la Directive Européenne sur les énergie renouvelables (RED III) promulguée récemment ?
Le 9 octobre, le Conseil européen a adopté la directive RED III, qui fixe la feuille de route européenne sur le développement des énergies renouvelables. Le 12 octobre, AMORCE et l’ensemble des associations partenaires ont présenté à la Ministre de la Transition Energétique la PPE des territoires qui propose un scénario énergétique à l’échelon national à l’horizon 2035 et les mesures qui devraient en découler. Les objectifs européens et la projection de la PPE des Territoires sont-ils cohérents ?
La Directive RED III
Le Conseil et le Parlement européens ont adoptés en cette fin d’année de nouvelles règles sur la Directive RED III fixant de nouveaux objectifs aux États membres en matière de développement des énergies renouvelables qui entreront en vigueur 18 mois après son entrée en vigueur. Cette promulgation est intervenue fin octobre.
Les objectifs d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie pour l’année 2030 sont passés de 32% à 42,5%, montrant ainsi l’ambition de l’Europe de réaliser une forte et rapide baisse des émissions nettes de gaz à effet de serre de -55% dès 2030, par rapport à 1990.
Cet objectif global de développement des EnR en 2030 est décliné par secteur :
Bâtiments
- 49% d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie ;
- Une augmentation minimale, pour le chauffage et le refroidissement, de +0,8%/an d’ici 2026 puis +1,1%/an jusqu’en 2030, complétée par une augmentation supplémentaire calculée pour chaque État membre.
Industrie
- Une consommation d’énergies renouvelables en croissance de 1,6%/an ;
- L’hydrogène utilisé devra provenir de carburants renouvelables d’origines non biologiques à hauteur de 42% en 2030 puis 60% en 2035, c’est-à-dire produite à partir d’électricité ou à partir de carburants eux-mêmes produits à partir d’hydrogène.
Transport
- Au choix : soit -14,5% d’intensité des émissions par rapport à 2022 soit 29% d’EnR ;
- Les biocarburants avancés (ex : syn-diesel produit à partir de biomasse) et les carburants renouvelables non biologiques (ex : hydrogène ou dérivés) doivent représenter 5,5% des EnR fournies au secteur ;
- Les carburants renouvelables non biologiques doivent représenter au moins 1% des EnR fournies au secteur.
En parallèle de ces objectifs, la Directive contient de nombreuses nouveautés parmi lesquelles nous pouvons relever :
- L’introduction de nouvelles notions et particulièrement celles de "technologie innovante en matière d'énergie renouvelable" ou "combustibles renouvelables" et la création d’objectifs à atteindre par exemple une part des technologies innovantes d'au moins 5 % de la capacité nouvellement installée d'énergie renouvelable d'ici à 2030 ;
- L’encouragement du recours aux accords d'achat d'énergie renouvelable et PPA ;
- La création des zones d'accélération des énergies renouvelables comme la loi française avait pu l’anticiper en début d’année 2023 ;
- De nouvelles demandes formulées aux États membres de simplification des procédures d'octroi de permis, surtout pour les projets situés en zone d'accélération et de prévoir des exemptions, sous condition d'un examen préalable, pour les projets situés en zone d'accélération de l'obligation d'évaluation environnementale (sur ce point, AMORCE avait insisté pour faire traduire cette proposition dans la loi d’accélération des EnR, sans succès. Il faut donc saluer positivement cette évolution européenne) ;
- La demande de mise en œuvre dans les États membres d'une présomption de l'intérêt public majeur des projets d'énergies renouvelables ;
- La création d'un cadre juridique incitatif pour la production et la consommation de carburants renouvelables.
Comment se situe la PPE des territoires face à ces nouveaux objectifs ?
Le scénario PPE des territoires, construite par AMORCE en partenariat avec un consortium d’associations de collectivités et en étroite collaboration avec deux bureaux d’études spécialisés, propose une trajectoire portée par les représentants des collectivités territoriales. Cette trajectoire s’établit jusqu’en 2035 tout en restant compatible avec le Zéro Émission Nette en 2050. La trajectoire proposée répond au nouvel objectif du paquet européen Fit for 55, avec une réduction des émissions nettes de GES de - 59% par rapport à 1990. Néanmoins, le taux d’EnR en 2030 proposé, au vu des contraintes perçues par les représentants des territoires et malgré leur pleine implication, atteindrait 32% selon nos projections en 2030 mais atteint 44,5% dès 2035. En effet, la construction du scénario repose sur une stratégie planifiée qui met l’accent sur une priorité sur 2020-2030 à la réduction de consommation globale des différents secteurs tout en développant les EnR&R. La période 2030-2035 est celle du fort développement des EnR&R pour répondre à la demande réduite en énergie.
Bâtiments
- La PPE vise 53% d’EnR&R dans la consommation finale brute d’énergies du secteur dès 2030 soit 4% au-dessus des objectifs ambitieux de la Directive Européenne. En effet, le scénario est ambitieux sur la maitrise de l’énergie induisant une rehausse de la part des EnR&R, tout en modifiant les systèmes de chauffage vers les réseaux de chaleur et le renouvelable individuel. Une efficacité de l’ensemble des systèmes consommateurs des bâtiments est portée par le scénario ;
- Sur la chaleur, le taux d’EnR&R dans la consommation finale brute augmente de 3%/an en moyenne sur la période 2020-2030 soit largement au-dessus des objectifs européens minimaux. La méthodologie de comptabilisation de la part renouvelable du froid n’est pas clairement définie au niveau national, à l’heure actuelle, il a donc été impossible de calculer le taux d’EnR du froid et sa progression pour le scénario de la PPE des territoires.
Industrie
- Le scénario PPE des territoires a un taux de pénétration des EnR&R dans l’industrie de 1,5% par an en moyenne sur la période 2019-2030, soit très légèrement en dessous des nouveaux objectifs (1,6%). Les collectivités territoriales n’ont que peu de leviers pour aider la transformation du secteur de l’industrie que le gouvernement pilote au niveau national, il est donc cohérent de ne pas être trop ambitieux sur ce secteur.
- Dans le scénario PPE des territoires, toute nouvelle production d’hydrogène se fait à partir d’électrolyse sur la période 2020-2030.
Transport
- Dans le scénario PPE, la transformation du secteur du transport est réalisée notamment par le report modal vers des modes actifs et les transports en commun, l’électrification des véhicules légers et le développement des carburants renouvelables. Ceci permet une diminution de l’intensité des émissions de 30% entre 2020 et 2030, donc au-delà de l’objectif européen ;
- Le scénario PPE des territoires, malgré de forts reports modaux, une électrification des véhicules électriques et le développement des carburants renouvelables comme le bioGNV ou l’hydrogène, indique un taux d’EnR en 2030 de seulement 11%. Néanmoins, dès 2035, il passe à 20% ;
- La part de biocarburants avancés et de carburants renouvelables d’origine non biologiques ne peut pas être calculé car aucune méthodologie n’a été établie.
Comment arriver collectivement à ces objectifs ?
La nouvelle directive européenne se révèle ambitieuse, avec des objectifs qui deviendront contraignants 18 mois après son entrée en vigueur. L’atteinte de ses objectifs nécessite l’implication des territoires.
AMORCE propose, dans le scénario PPE des territoires, un récit cohérent et organisé des actions et réflexions sur les différentes thématiques qui composent le système énergétique français. Ce récit permet de guider les collectivités vers une transition énergétique globale et cohérente vis-à-vis de nombreux aspects énergétiques complexes. Il est cependant nécessaire que les collectivités s’approprient ce scénario afin de décliner leur planification. AMORCE se tient à disposition des ses adhérents pour échanger sur ces enjeux complexes synthétisés dans ce scénario.
AMORCE défend cette nouvelle trajectoire auprès du gouvernement sur les différents volets de consommation mais également de production d’énergies ainsi que de nombreuses mesures à mettre en place dans la réglementation, dans le financement ou dans la structuration de filières, d’organisation des territoires, etc.
AMORCE propose, par exemple, la mise en place d’une Loi de Programmation Pluriannuelle des Financements de la Transition Énergétique et Écologique visant à organiser sur le long terme les financements d’une stratégie de transition énergétique sectorielle. Une autre mesure phare est la réforme du Service Public de la Rénovation de l’Habitat (SPRH) et de l’attribution des aides pour améliorer l’accompagnement à la maitrise de l’énergie du résidentiel et du tertiaire ainsi que mobiliser la finance aux services du bien habiter de la population, selon leur revenu.
Contact : Aodrenn Girard