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06 décembre 2023 - Actualités

Stratégie Française Énergie-Climat en consultation : que faut-il en retenir ?

Le gouvernement a publié fin novembre la Stratégie Française Energie-Climat (SFEC), un document qui présente les orientations de la politique énergétique du pays. Ce document est mis en consultation jusqu’au 15/12/2023 à 23h. Que faut-il en retenir ?

Le cadre de la politique énergétique française

 

Depuis la Loi LTECV de 2015, la France a décliné deux documents stratégiques et d’orientation des politiques énergie climat :  

 

La SNBC s’appuie sur un scénario d’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050, issu d’un exercice de modélisation prospective, appelé « scénario de référence ». En cours de révision, la future SNBC et la PPE couvriront donc la période 2024 – 2033 et doivent être compatibles.

 

La Loi Énergie Climat de 2019 prévoyait une première Loi de Programmation Énergie Climat (LPEC) (définie à l'article L.100-1 A du Code de l’énergie). Législativement, cette loi devait être adoptée pour le 1er juillet 2023 afin de fixer les grands objectifs de la révision de la PPE et de la SNBC. 

 

Fin mai, des groupes de travaux ont été constitués afin de contribuer à la rédaction du projet de loi, dans lesquels AMORCE était représentée. Ces groupes ont rendu leur copie en septembre 2023 à la Ministre Agnès Pannier-Runacher. Aucune visibilité concernant la rédaction, ni même le calendrier ou bien la concrétisation de cette loi n’est donnée depuis.

 

Les deux documents précités, sont en cours de révision depuis maintenant deux ans. L’ensemble des travaux ont entraîné la mise en consultation publique d'une première version de la SFEC

 

Dans les semaines à venir, la consultation publique sera complétée par :

  • Un projet de Loi de Production d’Énergie (objectifs, dispositions sur la production, prix des énergies et protection des consommateurs) qui serait considéré comme LPEC ;
  • Un projet de décret PPE (grandes orientations de la politique énergétique) ;
  • Un projet de SNBC (trajectoire Zéro Émission Nette 2050, budget carbone).

 

Le cadre général de la Stratégie Française Énergie-Climat 

 

La SFEC est basée sur la deuxième modélisation "run 2 " qui a été présentée lors des derniers groupes de travail SNBC. Le scénario "run 2" sera complété d’un "run 3" afin d’atteindre la neutralité carbone à 2050, et de boucler l’offre et la demande sur l’électricité et la biomasse.

 

Elle repose sur les 4 piliers du discours de Belfort : 

  • La sobriété énergétique (uniquement sur les habitudes du quotidien) ;
  • L’efficacité énergétique (nouvelles technologies pour moins d’énergie pour un même usage) ;
  • La relance du nucléaire (prolonger le parc actuel et construire de nouveaux réacteurs) ;
  • L’accélération des EnR (toutes les EnR pour notre indépendance énergétique).

 

Elle fixe 5 objectifs pour la PPE :

  • Baisser nos consommations énergétiques ;
  • Accroître la production d’énergie décarbonée ;
  • Adapter les réseaux ;
  • Garantir notre sécurité d’approvisionnement ;
  • Préserver le pouvoir d’achat et la compétitivité.

 

Les grandes orientations sur la consommation d’énergie

 

La SFEC prévoit une importante réduction de consommation d’énergie finale, à hauteur de -30% en 2030 par rapport à la consommation de 2012. Un effort particulier est porté sur la réduction de consommation primaire de gaz et de pétrole (entre -38% et -45% en 2030 et entre -57% et -65% en 2035 par rapport à aujourd’hui), qui s’effectuerait par une électrification des usages substitués comme le transport ou la chaleur dans les bâtiments. De plus, il est à noter qu’il est prévu une forte hausse de la rénovation énergétique d’ampleur qui atteindrait 200 000 par an dès 2024 et 900 000 en 2030, ce qui serait partiellement financé par une hausse des volumes CEE qui s’établirait pour la 6ème période entre 1250 et 2500 TWh.

 

Les grandes orientations sur la production d’énergie

 

La SFEC prévoit une forte demande d’électricité à combler. Ainsi, elle prévoit une relance importante du nucléaire avec 6 nouveaux EPR ainsi que le développement fort des EnR électriques. 

Sur ce dernier point, elle mise sur un très fort développement du photovoltaïque, dans une moindre mesure de l’éolien terrestre et après 2030, à la suite des concertations lancées dernièrement, de l’éolien en mer.

Sur la production et distribution de chaleur, la SFEC propose un développement important des réseaux de chaleur pour livrer 90 TWh en 2035 et de leurs taux d’EnR&R à 80% contre environ 30 TWh à 60% d’EnR&R aujourd’hui. Cela passe par une mobilisation importante de la biomasse et de la chaleur fatale. Hors réseau, la SFEC mise principalement sur des Pompes À Chaleur (PAC) aérothermiques individuelles, avec plus d’un triplement d’ici 2035 (92TWh). Néanmoins, le solaire thermique, les PAC géothermiques, la géothermie profonde et le biogaz sont fortement développés.

La production de ce dernier est ainsi fortement augmentée pour atteindre 50TWh en 2030.

 

Quelles différences vis-à-vis de la PPE des territoires ?

 

Sur la question de la réduction de consommation, les scénarios sont similaires sur la partie objectifs même si les actions pour y arriver sont bien différentes. En effet, la PPE des territoires propose une exploitation optimale de la dualité sobriété – efficacité, notamment par la massification des dispositifs de pilotage pour réduire la consommation (et pas uniquement pour atténuer les pics de consommation). Sur les transports, dans la PPE des territoires, le report modal vers les modes actifs ou transports en commun est un levier fort pour réduire le besoin énergétique du secteur alors qu’il est peu détaillé dans la SFEC.

 

Sur la partie production d’énergie et la distribution, la grande différence est le choix de relance du nucléaire avec, sur 2030-40, 6 EPR et au moins 1 SMR et ensuite 8 EPR, alors que la PPE des territoires a fait le choix de pas construire de nouveaux réacteurs.

 

Sur les EnR électriques, la PPE des territoires propose un développement diffus, notamment du PV sur toiture pour lutter contre l’artificialisation des sols, ainsi qu’une concertation et une gouvernance partagée des projets menant ainsi à un développement plus doux des énergies renouvelables électriques, exception faite pour l’éolien terrestre qui est peu développé dans la SFEC. Concernant l’éolien en mer, notre scénario propose une structure de filière française et donc un développement important mais plus progressif.

 

Le développement des réseaux de chaleur de la SFEC corrobore les objectifs et mesures de la PPE des territoires, notamment sur les boucles d’eau chaude secondaires, mais enregistre un léger retard de déploiement en 2030.

 

La PPE des territoires oriente la chaleur vers des solutions renouvelables optimisant les ressources des territoires, notamment géothermique et solaire, et en limitant ainsi le déploiement des PAC aérothermiques. La biomasse est légèrement plus mobilisée dans la SFEC, sur la base d’hypothèses d’accroissement du gisement total mobilisable avec, notamment, un important et rapide déploiement de services agricoles pour la plantation de haies et le développement de l’agroforesterie.

 

Les recommandations d’AMORCE 

 

AMORCE propose de renforcer, dans la SFEC, le levier de baisse des consommations, notamment en déployant massivement des outils de suivi et de pilotage des consommations afin d’accentuer la sobriété et l’efficacité dans les bâtiments. Il est également nécessaire de s'assurer de l’efficacité de la rénovation avec la refonte du SPPEH (guichet unique) et le renforcement du contrôle notamment des CEE. Le report modal doit être détaillé et les mesures précisées et renforcées.

 

AMORCE alerte sur le fort développement des PAC aérothermiques, notamment à COP faible, risquant également de favoriser les surconsommations liées au rafraichissement. Les PAC doivent être privilégiées dans leur modèle collectif.

 

AMORCE souligne la bonne intégration des objectifs de déploiement des réseaux de chaleur, reste vigilant sur leur bonne mise en application et souhaite une meilleure récupération de chaleur fatale des industries et datacenters.

 

Contact : Aodrenn Girard